Savon fouetté (aïe aïe aïe)

Publié le par Loussaille

           Il y a quatre semaines de ça, j'ai fait un lot de savon fouetté. Je me suis bien sûr inspirée du site de Nizzy et des explications en français sur le blog de Nadyne... Mais malgré ça, j'ai manqué d'explications. En effet, Nizzy n'est pas très organisé dans l'exposition du procédé, et Nadyne, si elle est plus pédagogue, ne montre pas la moindre photo. J'ai donc décidé de photographier abondamment toutes les étapes de ma production, de façon à faire un tutoriel détaillé.

           Cependant, même si le résultat de cet atelier est positif - le savon a un pH tout à fait normal, il mousse bien, est d'une jolie couleur crème uniforme, a l'odeur escomptée, n'agresse pas la peau et flotte parfaitement (ce qui est normal pour un savon fouetté) - le déroulement a été loin, très loin, de correspondre à ce que décrive Nizzy et Nadyne... En effet :
- les huiles solides, mêmes battues à mort avec le fouet électrique adéquat, n'ont jamais atteint la texture de blanc en neige qu'elles étaient censées atteindre ;
- pour la première fois, j'ai dissous la soude caustique dans du lait plutôt que dans de l'eau distillée, ce qui est théoriquement faisable, mais ce qui a tout de même eu un drôle d'aspect : la soude est devenue orange fluo et a fait précipiter le lait, ce qui a donné une purée orange constellée de petit caillé blanc et granuleux (pour comparaison, la soude caustique dissoute dans de l'eau donne une solution translucide, légèrement trouble) ;
- après l'ajout de la "solution" de soude dans mes huiles battues, la texture s'est liquéfiée, ce qui est normal si on s'en réfère à Nizzy, mais n'a jamais redurcit par la suite comme il aurait fallu ;
- la pâte à savon, au final, était constellée de petits points oranges, résidus de soude, qui visiblement n'étaient pas dissous (même s'ils ont disparu par la suite). Pour en savoir plus sur les taches oranges qui peuvent apparaître sur les savons consultez cet article.

            Bref, c'est quasiment un miracle d'avoir obtenu au bout de deux semaines (temps normal d'attente pour un savon fouetté) un savon si ce n'est réussi, du moins normal. Du coup, les fameuses et nombreuses photos que j'ai prises ne montrent pas les résultats qu'on est censé obtenir normalement. Néanmoins, comme elles permettent de visualiser ce qu'il ne faut surtout pas faire, surtout quand on est pas très expérimenté, j'ai décidé de quand-même d'en mettre certaines en ligne...

1.- Pesée des matières premières

            Cette étape se fait à l'avance.
            Plutôt que de suivre les yeux fermés une recette trouvée dans un livre ou sur internet, il vaut mieux toujours passer par un calculateur comme celui-ci. L'idéal est de peser vos huiles solides séparément (coco, karité, palmiste ou palme). Si vous avez utilisé différentes huiles solides, additionner les différentes masses obtenues. A partir du poids total d'HV solides, calculer la quantité maximale autorisée d'HV liquide, c'est à dire 1/4 du poids d'HV solides. Peser, l'HV liquide. Ensuite, rentrer les différentes valeurs dans le tableau d'un calculateur. Pour plus de sécurité, choisissez la quantité de soude correspondant à un surgraissage de 5 à 8 % (ou plus si vous le souhaitez mais pas moins). Enfin, pesez l'eau et la soude. Au total vous aurez 4 récipients mobilisés : un saladier pour les HV solide et trois petits pour l'HV liquide, la soude et l'eau distillée.
           A ne pas faire : utiliser du lait, surtout pour une débutante. D'une part, quand le liquide est opaque, on ne voit pas bien si la soude est dissoute, d'autre part, les composants dissous ou en suspension dans tout autre liquide que l'eau distillée (qui ne contient que la molécule H2O) peuvent réagir avec la soude pour donner quelque chose de non identifié. Si vous voulez donner un côté lacté à vos savons, misez sur le lait en poudre et ajoutez-le à la trace. Pour mémoire, voici ce que donne le mélange soude+lait (pas ragoutant n'est-ce pas) :


           Petit truc utile à savoir : si vous avez des huiles en bouteille et qu'il vous faut les fondre pour les en sortir, vous avez deux options:
- posez le saladier sur la balance, faites la tare et versez tour à tour les huiles fondues en notant chaque poids et en faisant la tare ensuite,
- pesez la bouteille pleine, faites fondre l'huile au bain marie, videz le contenu de la bouteille dans le saladier, pesez la bouteille vide, faites la différence et laissez l'huile se figer tranquillement dans le saladier. D'où l'intérêt de procéder à la pesée en avance, car dans le procédé de savon fouetté, contrairement au savon à froid, il est nécessaire de travailler à température ambiante avec des huiles solides vraiment solides.

2.- Préparation de la solution de soude

          Cette étape aussi est à réaliser à l'avance.
          C'est sur cette étape que j'ai le plus appris depuis et que je suis en mesure de vous montrer une photo de ce qu'il faut vraiment éviter de faire. Regardez plutôt :

C'est bien de mettre des gants. C'est bien de se mettre en extérieur pour ne pas respirer de vapeurs de soude. Oui, mais là, j'en ai quand même pris plein le nez car j'étais juste au dessus du bécher d'eau dans lequel j'ai versé les cristaux. En réalité, ce qu'il aurait fallu faire, c'est :
- se positionner debout près d'une table sur laquelle reposent les béchers,
- verser d'un coup la soude dans le bécher d'eau reposant sur la table,
- d'une main gantée et sûre saisir le haut du bécher eau+soude et le soulever jusqu'à ce que le goulot du bécher soit bien au dessus des narines (ainsi les vapeurs s'échappant vers le haut et on n'en respire pas),
- en maintenant toujours le bécher au dessus des yeux, faites des mouvements circulaires avec le poignet pour agiter la soude et faciliter sa dissolution,
- quand les cristaux du fond du bécher sont dissouts, utiliser une baguette en bois pour faire glisser les éventuels cristaux restés accrochés sur les bords vers le fond et reprendre les mouvements circulaires.
Au final, vous devez obtenir un liquide homogène, transparent et très légèrement trouble.

Attention : cette étape génère de la chaleur car la dissolution de la soude est une réaction exothermique qui monte à environ 90° C, d'où l'importance de saisir le bécher par le haut et non pas par le bas.

3.- Préparation du plan de travail

            Quelques heures plus tard, quand les huiles se sont resolidifiées et que la soude est de nouveau à température ambiante, on peut préparer le plan de travail avec :
- les différents récipients : saladier avec les HV solides,
- bécher avec l'HV liquide,
- bécher avec la solution de soude,
- récipient contenant ce que vous souhaitez ajouter à la trace (1% d'HE, de l'huile, de l'argile, du lait en poudre, des morceaux de loofa, de céréales, de fleurs, etc.),
- une bassine pleine d'eau vinaigrée pour déposer les ustensiles souillés,
- le batteur,
- une spatule pour remuer la pâte à savon et racler les bords des récipients,
- un stock de sopalin ou de mouchoirs en papier pour essuyer tous les débordements,
- un sac poubelle pour jeter les mouchoirs,
- le(s) moule(s) recouvert(s) de film plastique.
Eventuellement si vous avez peur d'éclabousser, vous pouvez tapisser votre plan de travail de papier journal, mais quand on est un peu soigneux et que l'on travaille sur une surface increvable (dans mon cas, un vieux bulgom trompe-la-mort), ça n'est pas indispensable.
            Voilà ce que ça donne chez moi :

4.- Fouettage du savon

             Là, c'est facile, Nizzy et Nadine ont très bien expliqué cette étape. Il faut battre à vitesse élevée les HV solides jusqu'à l'obtention d'une texture de blancs en neige fermes. Puis ajouter l'HV liquide et rebattre jusqu'à resolidification. Ensuite, on ajoute la solution de soude petit à petit tout à battant à vitesse faible (pour ne pas éclabousser partout). Normalement, après une phase ou la pâte se liquéfie un chouia, elle redevient fermet après un battage d'une dizaine de minutes. On n'obtient pas de trace avec ce procédé, donc après 10 minutes de fouettage, ajouter les adjuvants (HE, HV ou autre) sans se poser de question. Re-fouetter.
             Normalement, à ce stade vous devez obtenir une crème épaisse de couleur blanc-ivoire. Mais, bon, avec ma soude orange fluo, j'ai faussé les statistiques et j'ai obtenu une pâte plutôt liquide et franchement orange. Si vous obtenez la même chose que moi, c'est louche. Jugez plutôt :


             Verser dans les moules. Taper les moules sur la table pour faire partir les grosses bulles et égaliser le niveau. Recouvrir le dessus de la pâte avec du film plastique pour éviter la formation d'une pellicule blanche. Et simplement remiser dans un coin. Pas d'emballage fastidieux comme dans le procédé à froid pour maintenir la température dans le savon. Ici, ça n'est pas nécessaire.

5.- Démoulage et façonnage

             Trois heures après (et oui, déjà), le savon est prêt à être démoulé. Rechaussez vos gants, tirez sur le film plastique et démaillotez le savon. Utilisez un fil à couper le beurre pour découper les pains et grattez avec une lame l'extérieur du savon pour lui donner un aspect lisse. Les rognures de savon peuvent servir à faire des lessives (par exemple).
            C'est le gros inconvénient de cette technique, la texture en surface n'est pas belle et pour obtenir un savon présentable, il est nécessaire de le retravailler.
            Remiser les savons pendant deux semaines minimum. Après quoi, un test s'impose pour évaluer la causticité. Soit vous avez du papier pH et vous en posez un morceau sur le savon humide pour voir s'il n'est plus basique. Soit vous n'en avez pas et vous n'avez pas peur non plus et vous utilisez la technique de la langue : posez délicatement le bout de votre langue sur le savon, si ça pique c'est qu'il est encore caustique, si vous n'avez qu'un goût de savon dans la bouche, c'est qu'il est prêt...

Publié dans Se faire belle

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M
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> J'ai aussi respiré de la vapeur de soude, et ça m'a fait très peur, j'ai cru étouffer!<br /> <br /> <br /> Ca me semble très dangereux.. Ne devrais-je pas consulter un médecin pour voir l'état de mes voies respiratoires?<br /> <br /> <br /> Prudence pour la suite,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Mali.<br /> <br /> <br /> <br />
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T
Hello loussaille !Très bien fait ton pas à pas ! Bravo, ça m'aurait été très utile ! je déteste cette méthode, tellement ça en met partout quand on fouette les huiles solides ! mdr Rien ne vaut pour moi, la bonne vieille méthode à froid !Moi aussi, comme nin8, j'utilise le lait pour diluer la soude, mais il faut qu'il soit très froid, voir congelé, comme ça la graisse contenue dans le lait ne précipite pas...Bon courage pour tes prochaines expérimentations en savonnerie !BizzzzzzzzzThomaelle
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L
Ouah, un compliment de Thomaelle, la reine du pas à pas... Et ben merci tout plein. Tiens j'en rougis...
N
Héhé, pour obtenir la bonne texture, il faut d'abord au moins 50% d'huiles solides ou de beurres et… refroidir le mélange! Il doit être très très froid. Perso, je fonds mes huiles la veille. Je bats une première fois, je colle 1/4 d'heure au frigo, je bats à nouveau 5 minutes, et si ça ne suffit pas, zou, 5 minutes au frigo! Attention avec le beurre de cacao: s'il reste trop longtemps au frigo, il redevient aussi dur qu'avant d'avoir fondu! Pareil pour la soude: je la prépare la veille et la laisse 1/4 d'heure au frigo. Comme ça, tout est bien froid – j'ai lu sur un forum qu'une fille fait même saponifier au frigo direct! Perso, je laisse saponifier une nuit, et je réfrigère le lendemain pour faciliter le démoulage, très utile à savoir pour les savons fouettés! Pour les tâches oranges, ça me l'a fait aussi, mais c'était le lait en poudre… Le lait doit toujours être glacé! Maintenant, j'utilise la crème ou le yaourt que je mets 1 heure au congélo avant de commencer…
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A
Bravo ! J'aimerais bien me lancer aussi dans la fabrication de savon mais manipuler de la saude me fait peur, surtout que je suis maladroite.Je t'embrasse.
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L
Et tu as bien raison d'être prudente car la soude n'est pas dite caustique pour rien. Je te conseille de prendre un cour ou d'assister à une démonstration avant de te lancer. Car comme mon expérience le prouve, on ne peut pas tout apprendre par internet. Rien ne remplace le contact direct avec une personne expérimentée...
Z
J'utilise le lait comme tu l'as fait dans tes explications et la réaction est tout-à-fait normale. En augmentant la chaleur, le lait prend une couleur orangée qui disparaît lors du mélange aux huiles. Pour les précipités, mon hypothèse est qu'il s'agit de particules de gras du lait qui se sont saponifiées. Par contre je n'ai jamais fait la technique fouettée. Tes explications sont bien détaillées et hourra pour les photos. Bravo !
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